Par Caroline Guignot. La Revue, 04.02.2015
« Au cours des siècles, comme beaucoup d’espèces, l’être humain s’est adapté à l’environnement afin de favoriser sa reproduction. Deux chercheurs français, Frédéric Thomas et Michel Raymond, décryptent les pathologies de notre temps à travers le prisme de la médecine darwinienne. »
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La biologie évolutionniste peut-elle apporter de nouvelles pistes dans la lutte contre les maladies infectieuses ?
FT : On sait que la virulence d’un agent infectieux est une caractéristique sélectionnable : on peut la canaliser en influençant son pouvoir de transmission. Une bactérie qui se transmet par l’eau, par exemple, n’a pas besoin de l’homme pour contaminer d’autres personnes. Elle peut donc engendrer des symptômes très sévères. À l’inverse, si elle doit se transmettre de sujet en sujet, il faut qu’elle soit moins virulente pour avoir la possibilité de contaminer quelqu’un d’autre avant de tuer son hôte. Si on agit sur les voies de transmission, on peut donc faire varier la virulence de la maladie.
On pourrait donc imaginer une alternative aux traitements anti-infectieux contre les bactéries ou les virus ?
FT : Des approches pourraient en tout cas être développées en complément des traitements actuels, puisque l’évolution nous apprend qu’un traitement « anti » favorise presque toujours l’éclosion d’une résistance. La biologie évolutive nous porte à considérer tout le cycle de vie du pathogène dans son environnement afin de trouver les paramètres sur lesquels agir. Dans la lutte contre le paludisme, par exemple, on sait qu’il est illusoire d’espérer éradiquer tous les moustiques vecteurs du parasite. Les exterminer de façon aveugle favorise l’émergence de résistances. En revanche, si on trouve un insecticide capable d’agir après leur reproduction mais avant la transmission du parasite, le paludisme devrait disparaître.
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